Sonnet 56


Doux amour, renouvelle ta force; qu’il ne soit pas dit
que tu t’émousses plus vite que l’appétit
qui aujourd’hui est amorti par la nourriture,
mais qui demain reprend son premier aiguillon.
Sois ainsi, toi, amour! Quand tu rassasierais aujourd’hui
tes yeux affamés jusqu’à ce que la satiété les ferme,
regarde demain encore, et n’éteins
pas l’ardeur de l’amour par un incessant refroidissement.
Que ce triste intérim soit comme l’Océan
qui sépare les rives où deux nouveaux fiancés
viennent chaque jour, en sorte qu’au moment où ils doivent se rapprocher,
l’entrevue soit plus délicieuse encore!
Ou comparons-le à l’hiver qui, plein d’ennui,
donne à la bienvenue de l’été trois fois plus d’attrait et de prix.


William Shakespeare (1564-1616)
()



Back