Sonnet 71


Quand je serai mort, cessez de me pleurer
aussitôt que le glas sinistre aura averti le monde
que je me suis enfui de ce vil monde pour demeurer avec les vers les plus vils.

Non, si vous lisez ces lignes,
ne vous souvenez pas de la main qui les a écrites,
car je vous aime tant que je voudrais être oublié dans votre douce pensée,
si cela doit vous attrister de penser alors à moi.

Oh ! je le répète, si vous jetez l’œil sur ces vers,
quand peut-être je serai confondu avec l’argile,
n’allez pas même redire mon pauvre nom:
mais que votre amour pour moi finisse avec ma vie même ;

De peur que le monde sage, en regardant vos larmes,
ne vous raille à mon sujet, quand je ne serai plus là.


William Shakespeare (1564-1616)
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