Un fleuve, un amour


Je voudrais être seul dans le sud
Peut-être mes yeux lents ne verront plus le sud
Aux légers paysages endormis dans l'espace,
Aux corps comme des fleurs sous l'ombrage des branches
Ou fuyant au galop de chevaux furieux.
Le sud est un désert qui pleure quand il chante,
Et comme l'oiseau mort, sa voix ne s'éteint pas;
Vers la mer il dirige ses désirs amers
Ouvrant un faible écho qui vibre lentement.
À ce si lointain sud je veux être mêlé.
La pluie là-bas n'est rien qu'une rose entr'ouverte;
Son brouillard même rit, rire blanc dans le vent.
Son ombre, sa lumière ont d'égales beautés.
Exil

Devant les portes bien fermées,
Sur un fleuve d'oubli, va la chanson ancienne.
Une lumière pense au loin
Comme à travers un ciel.
Tous dorment peut-être,
Tandis que solitaire il porte son destin.

Fatigue d'être vivant, d'être mort,
Avec du froid au lieu de sang,
Du froid qui sourit s'insinuant
Par les trottoirs éteints.

La nuit l'abandonne, l'aurore le rencontre,
Sur ses traces l'ombre obstinément.


Luis Cernuda (1902-1963)



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